Et le Cœur fume encore ainsi que T’ES TOI ! parmi les cinq pièces recommandées par Marianne!

Off d’Avignon : les pièces qu’il faudra aller voir après le festival

Par Youness Bousenna, à Avignon

Publié le 24/07/2019 à 15:36

Dépêchez-vous : le Off d’Avignon s’achève dimanche ! L’occasion de courir voir nos cinq coups de cœur de cette cuvée 2019… ou, quand le gong aura déjà retenti, de les retrouver partout en France durant la saison.

Le syndrome du banc de touche

En football comme au théâtre, il faut d’abord se battre pour rentrer sur le terrain avant de combattre pour gagner. C’est à partir de ce joli parallèle que Léa Girardet a construit ce seul en scène évoquant sa carrière de comédienne qui ne décolle pas et le destin des Bleus de 1998, enterrés avant d’avoir posé le pied sur la pelouse. S’attachant à Aimé Jacquet et aux éternels remplaçants, elle nous transmet sa tendresse pour les figures de l’ombre. Et, par cette parabole ingénieuse et drôle, elle dépeint la violence d’un milieu tout en nous embarquant dans son optimisme, nous convainquant que la leçon de France 98 tenait d’abord en trois mots : croire en soi.

>> Jusqu’au 24 juillet au Train bleu. Puis toute l’année en tournée en France.

Et le cœur fume encore

Fellaghas, harkis, pieds-noirs, porteurs de valises, anciens de l’OAS… Soixante ans après la guerre d’Algérie, ils ont tous une bonne raison pour que leur cœur fume encore. De chaque côté, les haines se sont creusées au point de se transmettre aux générations d’après. C’est en partant de la quête de mémoire des descendants qu’Et le cœur fume encore remonte le fil des meurtrissures, embrassant la douleur des souvenirs en même temps que la difficulté de leur transmission.

Tour à tour émouvante, drôle, enragée, cette pièce servie par sept comédiens talentueux et une superbe mise en scène s’impose comme l’une des pépites de ce Off 2019.

>> Jusqu’au 26 juillet au 11 Gilgamesh Belleville. Puis en tournée en automne et au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en décembre.

Je vole… et le reste je le dirai aux ombres

10 heures, 20 minutes et 37 secondes, c’est seulement une seconde. Mais c’est peut-être la seule seconde durant laquelle, en se défenestrant du 36, quai des Orfèvres, Richard Durn s’est senti libre. A travers le trou minuscule de cet ultime instant, cette pièce retrace le destin obscur de l’homme qui, en mars 2002, s’est tué au lendemain de son massacre au conseil municipal de Nanterre, grâce à une mise en scène et une narration superbes. La compagnie Fouic prolonge ainsi son exploration des tréfonds de l’âme humaine et esquisse, à travers cette personnalité, le portrait d’une société qui humilie ceux qu’elle écrase.

>> Jusqu’au 28 juillet au théâtre des Gémeaux. Puis en Île-de-France entre janvier et mars, ainsi qu’en Vendée.

Les Passagers de l’aube

Pur produit de l’intelligence cartésienne, Noé est un brillant interne en neurochirurgie qui va être bouleversé par la découverte des expériences de mort imminente. Si les témoignages sur le sujet disent vrai, alors il ne connaît rien sur le cerveau : l’ébranlement est tel qu’il va en faire l’obsession d’une vie. De la densité de l’intrigue à la mise en scène, cette pièce de Violaine Arsac réussit partout, et d’abord sur le fond. En critiquant le culte de la science, son propos interroge sur notre ultime frontière avec une intensité qui arrache les larmes… Et si quelque chose, en nous, ne mourrait jamais ? A ne pas rater.

>> Jusqu’au 28 juillet à La Luna. Puis à Paris au Théâtre 13 de janvier à février 2020 et en tournée en France de mars à avril.

T’es toi !

Dans T’es toi !, Elsa Rami raconte la quête de soi autant que le silence imposé à nos petites voix, pour se conformer. Le chemin de cette Niçoise est porté par une vocation, devenir comédienne, qu’elle relate à travers ceux qui ont jalonné ce parcours, du cocon familial au monde impitoyable des acteurs. Ce seul en scène (son second, après Vole !) est porté par l’époustouflante capacité d’incarnation de cette artiste, à l’aise dans l’imitation de la gouaille méridionale comme du phrasé bobo, des hommes comme des femmes. Elsa Rami, qui dit puiser son inspiration chez Philippe Caubère, peuple ainsi la scène d’une mosaïque de visages qui, l’un après l’autre, finissent par dessiner une fresque vertigineuse. Et impressionnante.

>> Jusqu’au 28 juillet à la Condition des soies. Puis à Paris au théâtre de la Huchette de Janvier à Avril 2020.